Cette section introduit un nouveau monde qui allie création poétique et création plastique. Elle nous entraine dans un nouveau chant, un chant du monde, un chant de la terre. Le lumineux émerge des barreaux d’ombres : ces chants pleurent la mort, pleurent la violence, pleurent le cri qui râle ténébreux… mais surgit l’amour, mais surgit la vie.

Les Silhouettes Du Soleil (IX)
Les cailloux se muent en montagnes
Les lance-pierres en nucléaire.
Aux frêles silhouettes,
Partout le bronze qui tonne
Dicte le marathon.
Tandis que l'ouïe,
Dans un brouillard
Dense et lointain,
Voit encore les crissements
Des chaînes sur chaque mine,
La vue en temps des signes
Profère le rivé.
Le temps sue et plisse le nez.
C'est Midi pourtant.
Soleil à son tour est nombril du ciel.
Et, sur son ombre hâlée,
Maintenant, l'homme marche.
Croix dessus, croix dessous.
Avance tambour battant,
Avec lui, l'Indifférence,
À visage humain.
Danse du Sahara
Pleurs du Nil
Danse l'Iroko
Pleure l'Hibiscus
Car si on semble le mal à l'ouïe,
Le seul bien qu'on a est maudit.
Mec Handicapé, Les Silhouettes Du Soleil (2019)

Prière lactée pour la survivance des matins lumineux à Béni
Que le soleil se lève à Béni comme Lumumba se levait pour la cause de l'Afrique Que le soleil chante la terre comme les ténèbres chantent la misère des peuples ! J’appartiens à la virginité des vagues J’appartiens aux prières anciennes qui fertilisent l’espoir J’appartiens à un voyage lunaire qui purifie l’aube Au bout de ce désir de vivre, je mesure les couleurs des nuits gravées sur la pierre Je mesure leurs gémissements, leurs soifs d’aller à la rencontre des fleurs roses Je mesure l’aigreur des dix commandements Au bout de ce désir de vivre, je revois les larmes de Béni sur ma paix Je revois le mot kalachnikov sur mon cœur Mais mon Béni n’est plus qu’un champ dévasté Au bout de ce désir de vivre, j’ordonne mes ancêtres de prendre possession de nos chemins J’ordonne Béni de jaunir ces prières muettes Car Je connais les vagues de tes larmes Je connais le bruit de ton cœur Au bout de ce désir de vivre, ma prière traverse les frontières des djinns J’habite un désir soleil qui prophétise des lendemains d’altérité J’habite le sens sacré des lucioles céans Ô Kimpa Vita ! Préservez-moi des matins difficiles à transporter Préservez-moi des ténèbres qui luttent contre la migration des colombes à Béni Au bout de ce désir de vivre, mon Béni à moi ne sait plus essuyer la terre Et toutes les nuits veillent sur lui Priez pour nos lendemains troués Priez pour ces âmes qui n’arrivent plus à unir les bouts du chemin Priez pour le renouvellement du soleil à Béni Au nom de l'Afrique et de nos misères Mon Béni à moi n’avait qu’une seule soif polir la pierre pour sa lumière Mon Béni à moi n’est plus Béni malgré le sang du Christ qui a coulé sur la croix Au nom de l'Afrique et de nos misères Priez pour la survivance de nos matins blessés Priez afin que l’unité et la fraternité nous conduisent à refonder notre humanité Lumumba! Voici que le poids de la mémoire pèse sur mes épaules Lumumba ! Voici que mes nuits gémissent pour la clarté de l'espérance Au nom de l'Afrique et de nos misères Ne me lavez pas par le sang du Christ Mais lavez-moi de toutes paroles volcaniques qui viennent des dieux koongos des dieux Tékés, des dieux Mbochi, des dieux Balubas Lavez-moi par l’huile de palme, encens, la peau du tigre, la tête du serpent, les cheveux de Pauline, les feuilles d'acacia, nuits chargées de lumière... Au bout de ce désir de vivre, j’irai bâtir des matins plus neufs que le soleil Et je donnerai une âme à Béni…
Tristell MOUANDA MOUSSOKI, Et quand nos rêves embrassent les ténèbres , publié en 2019.

Vital !
Ta lumière est mon sang Cesserait-t’elle de me pénétrer Que l’obscurité envahirait le silence morbide Que le rouge taperait les tréfonds de mon crâne Que les larmes ne se tariraient Ta lumière est mon sang Ta lumière est mon sang Elle rugit telle les crinières au galop Sur le fleuve d’un crépuscule enflammé Crie, hurle ta puissance abandonnée Reviens-moi, mon souffle est coupé Viens effleurer mes lèvres ténues Une fois encore Ta lumière est mon sang Cesserait-t’elle de me pénétrer Que l’obscurité envahirait le silence morbide Que le rouge taperait les tréfonds de mon crâne Que les larmes ne se tariraient Je t’appelle Cette seconde aphone broie mon cœur Comme le cristal se brise. Cette voix chaude, ce rire Ne sont-ce plus que des souvenirs ?S’écouleront-ils dans l’oubli? Notre rencontre, nos caresses fébriles ? Non, l’exaltation sourd encore et, envahit l’oubli silencieux des nôtres J’ai les yeux grand ouverts Et ton image vacille Sous le souffle tiède Du magnolia impavide Je vois ton sourire Qui fend la pierre Je vois ta moue Qui brûle en son coeur le silence Pourtant la lune est différente Cette nuit laiteuse est nourri de ces soleils obscurs J’aperçois dans la courbure du moment Dans l’oval de ton regard, Ma chair crayeuse Ta lumière est mon sang Ta lumière est mon sang Elle rugit telle les crinières au galop Sur le fleuve d’un crépuscule enflammé Marseille, en hiver, heureuse Comme sur des échasses bleues Tu peins des ocres, et des jaunes pâles Sur les monts, d’ombres incroyables Et sous le beffroi de Lille Nous nous lovons rayonnants Sur la froideur des briques Ne serions-nous le Sud, le Nord Qui s’entrelacent ! Bientôt l’orient surgira Tel un flot limoneux Et nous entendrons nos murmures, nos cris retenus, A travers le voilage évanescent Et nous écouterons nos voyages L’éléphant pesant sur les heures La verticalité de l’instant sur nos lèvres ourlées par le bonheur Nous écouterons notre vie Bruire dans notre vie A travers nos âges impassibles Ta lumière est mon sang Cesserait-t’elle de me pénétrer Que l’obscurité envahirait le silence morbide Que le rouge taperait les tréfonds de mon crâne Que les larmes ne se tariraient
Frédéric Lemonnier, Extrait des chansons d'hiver (2021)

Au bois des Oraisons
Au bois des oraisons, Siffle l'amertume de ce qui n'a pu Être et advenir. Comme une chanson, S'accorde sans avoir eu Le temps d'agir, Sur mon âme et sur mon coeur. Tenace cette rancoeur... Qui en un coup du sort, S'en va et vient à sa guise. Mais je ne lui donne pas tord, C'est en haine qu'elle se déguise. Mais vois-tu, elle part petit à petit Dans le tumulte de mes mots, Se sépare de moi et s'affranchit De tous sentiments et de mon égo. C'est passé, c'est fini. Le temps alors s'emplit D'une odeur de sérénité En étant juste à tes côtés.
Anne C. (2021)